Chapitre 14. Si vis pacem, para bellum

Comme les dirigeants du monde, eux-mêmes s’effrayant devant cette situation, ils font des efforts désespérés pour sauver la paix, mais faute d’un principe moral qui s’imposerait à tous, ils s’accrochent à la vieille idée : Si vis pacem, para bellum, idée qui n’est plus qu’un faible expédient en présence des grands peuples et des grandes techniques modernes.
Chapitre 13. “Nous avons trahi la cause de l’Arménie”

Le regretté Victor Bérard ne cessait de répéter : « Nous avons trahi la cause de l’Arménie » et M. Henry Lémery, dans un article adressé au peuple turc lui-même, allait encore plus loin : « C’est nous, disait-il, qui avons assuré à la Turquie toutes ces terres qui s’étendent du golfe d’Alexandrette jusqu’au lac de Van, et c’est nous encore qui sommes prêts à faire davantage pour les Turcs dans l’avenir ».
Chapitre 12. La France et ses hôtes

Ce que je viens de dire en ce qui concerne les relations des Français et de leurs hôtes, je puis le dire d’une façon plus renforcée encore au sujet des relations de ce pays, ou de tout autre grand pays, avec les petits États, les peuples sans protection ou les pays se trouvant sous leur domination d’une façon ou d’une autre.
Chapitre 11. Travail et propagande

t puis, il y a la question du travail et de la propagande. Les pauvres, je veux dire les masses, ont aussi leurs soucis. La question du travail est une question très épineuse ; elle est aussi sans issue. Quand un être humain sans ressources vit dans un pays par le consentement même du Gouvernement, il faut qu’il puisse y travailler pour gagner sa vie, ou bien il faut qu’on l’envoie dans le pays d’où il est venu. Ne faisant ni l’un ni l’autre, on risque de déformer le caractère moral de ces immigrés, car la faim est mauvaise conseillère. En tout cas, ils deviennent, même sans le vouloir, d’habiles propagandistes contre la France.
Chapitre 10. Portes d’airain

Ils ne pouvaient pas livrer à la justice une affaire qui vous pouvait froisser, vous, Monsieur Boyer, mais aussi les deux préfectures de Paris, ou les médecins psychiatres qui avaient organisé un véritable abattoir. On ne m’a pas laissé non plus aborder la presse ; le mensonge y entre avec le fracas de ses chars, mais quand c’est la pauvre vérité qui arrive, les portes d’airain se referment devant elle hermétiquement.
Chapitre 9. Manie de persécution

« Ce qu’il y a de poignant, c’est le fou persécuté, écrit M. Albert Londres. Sa folie ne lui laisse pas de répit. Elle le tenaille, le poursuit, le torture. La nuit on le guette, on l’espionne, on l’insulte. « On » ou « ils » sont ses ennemis ! Ils sont dans le plafond, dans le mur, dans le plancher. »
Il existe en effet une maladie qui s’appelle « manie de persécution ».
Chapitre 8. Silence et propagande

n tout cas, cette anecdote et bien d’autres encore, montrent clairement qu’un intellectuel étranger qui n’a que le mérite personnel, ne peut trouver tout au plus qu’un travail noir pour un morceau de pain. J’ai appris, des années plus tard, que M. Julien Cain avait été nommé directeur de la Bibliothèque nationale. (…)
Je sais que c’est choquant ce que je viens de raconter, mais toute mon histoire est choquante, d’un bout à l’autre tout n’est que silence et propagande.
Chapitre 7. Répétiteur de turc

Le sort m’avait jeté à l’École des Langues orientales comme répétiteur de turc, et pendant les longues années que j’y ai passées, j’ai pu constater à quel point les circonstances du monde extérieur pouvaient avoir leur répercussion dans cette institution. Le professeur titulaire de turc, M. Jean Deny, était souvent absent. Pendant la guerre, il était mobilisé, et après quelques années de son retour, il était reparti en Égypte, en mission. J’avais pensé tout d’abord qu’on n’avait pas besoin de remplacer absolument M. Deny, étant donné que je faisais aussi le travail du professeur. Mais j’ai appris vite qu’on ne pouvait pas se passer de cette formalité.
Chapitre 6. Ministère de la Guerre

Pendant la guerre, j’ai rendu au gouvernement français des services qui ne furent récompensés ni matériellement, ni moralement. Je parle de ces travaux de censure que j’ai accomplis en dehors de mes fonctions ordinaires. Ces traductions n’étaient pas payées. J’y consacrais mes soirées, chez moi, puis je portais à l’école les documents que j’avais examinés. En général, il y avait des remarques à faire et peu d’écrits nécessitaient une traduction entière, mais il fallait examiner avec grande attention l’ensemble, parfois volumineux, de ces lettres et témoignages, en arménien ou en turc, de différents pays, représentant différentes psychologies, souvent difficiles à déchiffrer, qui me prenaient beaucoup de temps et d’énergie pour n’y mêler aucun sentiment.
Chapitre 5. Abus de Pouvoir

Pour la question du payement, il était sous-entendu que je recevrais ce que recevaient mes autres confrères, puisque c’était un poste de l’État que j’obtenais. Je n’ai jamais consenti à accepter d’autres conditions, d’ailleurs on ne m’en a jamais proposées. Mais vous, Monsieur Boyer, en diplomate raffiné à frustrer les gens du prix de leur travail, avez trouvé le moyen de retenir vingt-huit mois de mes appointements, dans l’espace de seize années scolaires de mes fonctions. Vous avez recouru pour cela à des procédés et à des abus du pouvoir qui ne peuvent pas être justifiés aux yeux de la loi et qui méritent d’être réparés.