Ikevorkian

Chapitre 11. Travail et propagande

Chapitre 11. Travail Et Propagande

« Nous autres Arméniens, nous sommes les habitants de cet antique pays qui fut le berceau de l’humanité. Dieu y planta le paradis pour le bonheur de l’homme, mais nos premiers ancêtres, Adam et Eve, préférant vivre par leur propre travail dans l’indépendance et la dignité, agirent à leur tête, introduisirent dans le monde la distinction du bien et du mal, et posèrent ainsi la première pierre de la civilisation. Quand le mal augmenta sur la terre, Dieu voulut exterminer l’homme par le déluge, mais l’arche de Noé s’arrêta sur notre montagne Ararat, et assura ainsi la continuation de la race humaine. L’Arménie fut la première nation qui accepta le christianisme comme religion d’État, à une époque où l’Angleterre n’existait pas encore. Nous défendîmes la civilisation chrétienne contre les Perses, les Arabes et les Mongols. Nous volâmes au secours des Croisés pour qu’ils pussent se rendre en pèlerinage au Saint-Sépulcre et pendant la Grande Guerre, nous envoyâmes nos fils, qui avaient échappé aux massacres, sur tous les fronts français, anglais et russes, parce que ces peuples combattaient pour la cause du droit et de la justice. Mais après l’armistice, les alliés vendirent nos droits aux Turcs, à crédit, pour un plat de lentilles. Aujourd’hui, ayant perdu notre patrie, nous sommes dispersés dans les quatre coins du monde. Ceux qui sont en Syrie ont le sort incertain, ceux qui sont en France ne peuvent plus y vivre, c’est pourquoi nous prions la noble nation américaine et son noble président, de vouloir augmenter le contingentement d’immigration aux États-Unis pour le peuple arménien. Nos compatriotes sont travailleurs et économes, intelligents et aptes à la culture occidentale. Loin d’être une charge pour ce pays, ils y seront un élément de prospérité. Dans l’espoir que notre demande sera prise en considération. »

Chapitre 10. Portes d’airain

Chapitre10.PortesDAirain

Ils ne pouvaient pas livrer à la justice une affaire qui vous pouvait froisser, vous, Monsieur Boyer, mais aussi les deux préfectures de Paris, ou les médecins psychiatres qui avaient organisé un véritable abattoir. On ne m’a pas laissé non plus aborder la presse ; le mensonge y entre avec le fracas de ses chars, mais quand c’est la pauvre vérité qui arrive, les portes d’airain se referment devant elle hermétiquement. 

Chapitre 9. Manie de persécution

Chapitre9.Maniedepersecution

« Ce qu’il y a de poignant, c’est le fou persécuté, écrit M. Albert Londres. Sa folie ne lui laisse pas de répit. Elle le tenaille, le poursuit, le torture. La nuit on le guette, on l’espionne, on l’insulte. « On » ou « ils » sont ses ennemis ! Ils sont dans le plafond, dans le mur, dans le plancher. » 

Il existe en effet une maladie qui s’appelle « manie de persécution ».

Chapitre 8. Silence et propagande

Chapitre8.SilenceEtPropagande

n tout cas, cette anecdote et bien d’autres encore, montrent clairement qu’un intellectuel étranger qui n’a que le mérite personnel, ne peut trouver tout au plus qu’un travail noir pour un morceau de pain. J’ai appris, des années plus tard, que M. Julien Cain avait été nommé directeur de la Bibliothèque nationale. (…)
Je sais que c’est choquant ce que je viens de raconter, mais toute mon histoire est choquante, d’un bout à l’autre tout n’est que silence et propagande. 

Chapitre 7. Répétiteur de turc

Chapitre7.Répétiteurdeturc

Le sort m’avait jeté à l’École des Langues orientales comme répétiteur de turc, et pendant les longues années que j’y ai passées, j’ai pu constater à quel point les circonstances du monde extérieur pouvaient avoir leur répercussion dans cette institution. Le professeur titulaire de turc, M. Jean Deny, était souvent absent. Pendant la guerre, il était mobilisé, et après quelques années de son retour, il était reparti en Égypte, en mission. J’avais pensé tout d’abord qu’on n’avait pas besoin de remplacer absolument M. Deny, étant donné que je faisais aussi le travail du professeur. Mais j’ai appris vite qu’on ne pouvait pas se passer de cette formalité.

Chapitre 6. Ministère de la Guerre

Ministère de la Guerre

Pendant la guerre, j’ai rendu au gouvernement français des services qui ne furent récompensés ni matériellement, ni moralement. Je parle de ces travaux de censure que j’ai accomplis en dehors de mes fonctions ordinaires. Ces traductions n’étaient pas payées. J’y consacrais mes soirées, chez moi, puis je portais à l’école les documents que j’avais examinés. En général, il y avait des remarques à faire et peu d’écrits nécessitaient une traduction entière, mais il fallait examiner avec grande attention l’ensemble, parfois volumineux, de ces lettres et témoignages, en arménien ou en turc, de différents pays, représentant différentes psychologies, souvent difficiles à déchiffrer, qui me prenaient beaucoup de temps et d’énergie pour  n’y mêler aucun sentiment. 

Chapitre 5. Abus de Pouvoir

Chapitre5.AbusdePouvoir

Pour la question du payement, il était sous-entendu que je recevrais ce que recevaient mes autres confrères, puisque c’était un poste de l’État que j’obtenais. Je n’ai jamais consenti à accepter d’autres conditions, d’ailleurs on ne m’en a jamais proposées. Mais vous, Monsieur Boyer, en diplomate raffiné à frustrer les gens du prix de leur travail, avez trouvé le moyen de retenir vingt-huit mois de mes appointements, dans l’espace de seize années scolaires de mes fonctions. Vous avez recouru pour cela à des procédés et à des abus du pouvoir qui ne peuvent pas être justifiés aux yeux de la loi et qui méritent d’être réparés.

Chapitre 4. Réforme de l’École des Langues orientales

Chapitre4. Réforme de l'école des Langues orientales

En ce 8 janvier 1911, c’est la réforme de l’École des Langues orientales que vous allez défendre. À M. le Ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts, vous écrivez une démonstration implacable au sujet des chaires magistrales, dont la chaire d’arménien, vacante depuis le 16 janvier 1906, du fait de la démission de M. Antoine Meillet. Une situation « non pas anormale mais quelque peu insolite » dites-vous, expliquant que « si cette situation même n’avait son explication dans un vœu unanimement émis, sur la proposition de mon éminent prédécesseur, M. Barbier de Meynard par le Conseil de perfectionnement de l’école, en sa séance du 9 février 1906, vœu dont la teneur suit : Que la chaire de langue arménienne soit transformée en cours complémentaire. » 

Chapitre 3. Garabed Bozolian

Chapitre3_Garabed Bozolian

Des années plus tard, j’ai eu l’occasion de vous demander, Monsieur Boyer, pour quelle raison vous aviez agi de cette façon envers moi en 1922. Vous avez répondu : « Je suis sûr que vous auriez accepté de travailler, si je vous avais demandé, à des conditions moins avantageuses que vos collègues. »

Chapitre 2. Paul Boyer

Chapitre2. Paul Boyer

“C’est à la suite d’une demande que je vous ai adressée, que je suis entré comme répétiteur à l’École des Langues orientales au début de la Grande Guerre. D’autres candidats s’étaient présentés, mais M. Clément Huart, plus tard membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, qui connaissait profondément la langue turque, après avoir examiné tous ces candidats, c’est moi qu’il a choisi parmi eux. “